Omar court. Toujours. L’hiver à Eonville, il fait un temps à tuer un mort-vivant. Omar ne sent pas la bise, les moins cinq, l’humidité. Omar ne voit pas les blocs de béton de sa droite à sa gauche. Omar est en lévitation. Furie vengeresse. Homicide prolongé. Il tient un fusil à pompe, comme s’il s’agissait d’un nouveau-né. Omar peut se montrer précautionneux. Il est à bloc. Il course une bande de petits jeunes. Deux semaines qu’ils le défient en frappant à sa porte et en l’insultant au portable. Omar a laissé monter la colère.
Maintenant qu’il la sent en lui, il se trouve inattaquable et invincible ! C’est sa potion magique, la colère. En bas de son bâtiment quatre étages, dans le studio où il vit, il croise sa voisine du dessus. Natacha. Elle est sympa, souriante, une petite jeune aux yeux verts, qui vit avec un Asiatique. Ils ont un marmot, ils veulent s’en sortir. Un couple de banlieusards. Omar a les crocs. Il a de quoi. Il croyait être casé avec une métisse sénégalaise. Il s’est rendu compte que la donzelle le trompait avec tous les dealers du coin. Résultat des courses : il s’est lancé dans le business. Avant, il magouillait, la save à la semaine, sans aller trop loin. Normal : il attendait l’arrivée d’un gosse – les bénéfices de la vie de famille.
La métisse s’appelle Hélène. Elle est belle, des traits fins, consciente de son pouvoir de séduction. Elle s’attache à tout ce qui est noir, violent et marginal. Elle kiffe les hommes qui ressemblent à son père, un raté qui passe ses journées à boire et à se battre en refaisant le monde avec des compatriotes tout aussi décalés que lui. Omar déprime : il a perdu sa vie en accordant sa confiance. Désormais, il ne croit plus personne. Il ne fait plus crédit. Il n’a plus d’âme mie. Que des potes, des connaissances et des associés. Il s’est lancé dans la came. Il ne vend pas chez lui et il ne croise jamais de toxicos (sauf les quelques potes à qui il arrive de sniffer en sortie). Il est Intermédiaire. Comme il connaît du monde dans le shit, il est passé vite fait à la vitesse supérieure.
Résultat : beaucoup de femmes, beaucoup d’argent, beaucoup de prestige. Les types sont de plus en plus craignos. Il possède trois voitures sans permis. Un petit pitbull. Il passe pour la teigne. Il se bat. La semaine dernière, sa réputation de voyou a pris du galon. Confirmation. Il était chez une meuf avec ses lieutenants, des jeunes qui collaborent et qui le prennent pour le big boss. Le Scarface black – le parrain noir de l’an deux mille. Omar est le héros des imbéciles, les immatures qui n’ont rien compris à la vie, les mythos pour qui vivre, c’est trafiquer. La vie, c’est des biftons dans la poche. Omar croule sous les liasses. Du moins, c’est ce qu’il laisse entendre. La vérité, c’est qu’il est submergé de dettes.
La nénette, une Guadeloupéenne, recevait des racailles de Paname. La métisse tient à sa réputation. Les Parisiens ont joué aux chauds. Ils ont mal parlé à Omar &Co. Omar n’a rien dit. Il est sorti. Il a sniffé un rail, sa nouvelle distraction. Il s’est énervé, son habituelle occupation. Il est remonté chez la tismé avec trois lieutenants. Ils ont retourné l’appartement à coups de battes. La go a porté plainte. Les Parigots étaient choqués. Jamais vu de pareils malades. Omar prendra une peine. Pas de larme. Depuis qu’il est dans la came, il a repéré le manège. Les flics tournent en bas. S’il ne se calme pas, Omar va monter – en zonzon.
Il fait ce qu’il veut. Veut-il ce qu’il fait ? Il se moque des conséquences. Si des flics l’interpellent en mission, il les insultera. Il se sent capable de leur tirer dessus. Qu’ils le choppent. De toute façon, sa famille est en France, sa sœur a des gosses, sa mère est remariée à Paris, mais lui rêve de Mauritanie – finir ses jours dans un village. La France, plein la casquette ! Au pire, il s’installera en Gambie, un pays roots, comme il l’appelle. Ou il émigrera vers le Sud, Bordeaux et sa région. Un chouette coin, où l’on peut refaire sa vie peinard. Il n’a pas abandonné son rêve de monter une famille et d’arrêter les dérives.
Pour l’instant, il divague grave. Avec son fusil de déménageur, il cavale. Pas le temps de discuter avec la voisine, il est électrique. Si les jeunes lui en veulent, c’est qu’il magouille. Ces bandes de petites frappes n’ont pas conscience des réalités. Ils sont tellement bêtes qu’ils servent des commanditaires. Pour les parrains, c’est signé : trois frères arabes sont des concurrents. Un de ces quatre, il retrouvera son studio en flammes. Il s’en fout. Pour l’instant, les jeunes le harcèlent ? Ils commencent par fumer en bas, puis ils montent, se sauvent, l’insultent, taguent, cognent à sa porte... La totale, quoi. La misère. Au départ, Omar a trouvé la parade : il a posté son pitt en vigie.
Les jeunes l’ont enchaîné : ils ont caillassé le chien. Ces bâtards ont remporté la première manche. Rira bien qui rira le dernier. Omar enragé attendait que la vengeance lui monte à la tête. Les fils de pute, il va les tirer comme des lapins. S’il en ramasse un, il lui casse la tête. Après, son choix est fait : il quittera Eonville. La grisaille, le brouillard – le froid. Vivement l’océan, le soleil et les sorties en marcel. Omar cavale, Omar galope, ils sont à deux cents mètres. Il connaît le quartier comme sa poche. Pleutres, une arme les terrorise. Alors un fusil à pompe ! Ils n’avaient pas prévu la riposte. Omar est certain de les retrouver. Vu son degré de ressentiment, il va les cuisiner salement. Ils vont prendre pour toutes les frustrations accumulées. Il les découperait bien, mais la prison l'angoisse. Soudain, il tombe sur qui ?
Hélène avance sur le trottoir. Deux mois sans la voir – à la bonne heure ! Il a beau lui en vouloir à mort, c’est plus fort que lui : quand il la voit, il ne résiste pas. Il craque. Il a fait son deuil des raclures, il a toujours envie d’elle. Elle lui sourit. Apparemment, elle n’a pas l’air consternée par le fusil. Fascinée ? Aveuglée ? Normal, elle aime les Noirs qui dealent et qui cognent. Elle est servie : son ex est en train de courser des jeunes avec un fusil de l’armée ! Un vrai de vrai, un dur, un molosse !
« Tu fais quoi ? »
Quand il la voit, il tremble. On peut l’attacher, le gifler, le menacer, lui prendre la vie : Omar n’a peur de rien. Dès qu’il se trouve en face d’elle, il perd ses moyens. Il est ému. C’est beau, les sentiments.
« Je fais des courses !
- Viens prendre le café !
- Je ne sais pas si j’ai le temps !
- Pas de tintouin : le jus est prêt ! »
Il a gardé une pincée de nostalgie inavouable de l’époque où il était en couple. Les morceaux ne se recolleront pas. À l’époque, il lui a tapé dessus, elle l’a trompé, il a manqué de la défenestrer, il a failli tuer son tourtereau. Quand ils se revoient, c’est ami ami. La paix. Omar essayera de coucher avec elle des fois qu’elle soit libre ou qu’elle n’accorde pas beaucoup de cas à son régulier du moment. Elle est restée très instable. Elle change de mec toutes les semaines. Parfois, ce sont des types de passage, quand elle sort. Elle a la bougeotte. Les boîtes, les verres, Hélène est mal. Omar a envie. Hélène est en vie. Omar a oublié : les jeunes, les crosses, les plombs. C’est qui la balle ?
Omar est en furie. Il arbore sa machette, il la lève de détresse. Deux filles essayent de le calmer. Omar de Mauritanie. Il raconte qu’il est Sénégalais. La vérité, c’est que son père est l’ancien chef d’Etat-major de Mauritanie. Par contre, Omar vise un Sénégalais : un grand gaillard qui répond au doux nom de Pape. Pape n’est pas seulement de Dakar. Il est le fils d’un des plus riches hommes d’affaires du pays. Un entrepreneur qui possède des millions, l’immobilier, le commerce ou les plantations.
Omar en veut à mort. Pape se comporte en enfant gâté ? Dès qu’il aspire, c’est comme si la chose lui était due. Ce capricieux de prestige attend qu’Omar lui accorde son appartement pour les vacances. Omar est fou de frénésie. Pas question de sous-louer son HLM alors que Pape lui a cramé la cuisine deux mois plus tôt. La fête, la fume, les femmes… Pape s’est endormi. Quand il s’est réveillé, ça braillait, le plafond en flammes, les travaux n’ont jamais été payés. Pape a promis, Pape a menti. Pape est un arnaqueur, un radin, un pagailleur, qui croit qu’il endort les gens avec sa gouaille. Pape se prend pour un dieu parce qu’il a du fric. Omar est un déclassé, un réfugié, un type qui ne plaisante pas. Pape lui a intimé d’arrêter de jouer au psychopathe.
Omar n’a pas apprécié. Il va montrer au richard de quel bois il se chauffe. On fume, on boit, on traîne, on sort, et au final, on fanfaronne ? Omar n’a pas réfléchi. Il pique des colères ahurissantes. Il défie. On se fie à sa petite taille, à sa maigreur, à son sourire. Pape a suivi l’exemple : il a pris Omar pour un petit. Omar s’est chargé de lui rappeler que la valeur ne dépend pas du poids. Ce n’est pas parce qu’on a des millions, qu’on dépasse le mètre quatre vingts ou qu’on joue les séducteurs qu’on tutoie. Omar n’aime pas qu’on le prenne de haut. Il remet les choses à leur place. C’est son caractère de justicier.
Il en a marre, Omar. Il est exténué. Trois jours qu’il ne dort pas, qu’il fume et qu’il boit. Il fait semblant d’aimer le ragga et autres musiques de boîtes pour énervés de la vie, mais il est resté l’enfant du village de Mauritanie. Omar n’est pas un rude, c’est un boy. Normal qu’il pète les plombs : comment un Africain de Mauritanie pourrait endurer longtemps la pire des vies, la vie déclassée, la vie en banlieue, la vie HLM, la vie de quartier ? La vie d’Arabes et Négros ? La vie déchue ? La vie entre prolétaires, fumeurs, smicards, Rmistes, marginaux, pauvres ? La vie d’asile ? La vie d’exil ? Faut pas s’étonner qu’Omar casse la tête : Pape est né avec une cuillère dans la bouche. Pape se prend pour le roi des ronds. Pape est un fainéant qui sait que son vice accouchera de biftons. De vertu ? Omar veut remettre les choses en place. Tous croient qu’ils sont cousins compatriotes – la même chose au fond.
Pape loue un appartement au centre-ville pour s’amuser. Il ne fait rien, il fume au lycée, il se fera renvoyer, il retournera au pays, il utilisera les fonds de son père, il lancera son affaire, il sera riche. Pendant ce temps, Omar galèrera. Omar est un juste qui n’en peut plus. Il lâche sa machette, il ne veut plus tuer Pape. Il veut lui montrer qui est qui. Pape est enthousiaste. Il est persuadé d’avoir manqué la mort de peu. Il se glorifie de l’histoire de la machette sur le coin de la tête, lui qui projette de lancer une firme de consultants en Afrique. Ses associés – des compatriotes. Pour l’instant, il fume la métropole, mais dès qu’il rentrera au bled, il changera de tête.
Omar, il le verra dans une autre vie. De moins en moins. Ils évoqueront le vieux temps, mais pas question de monter des affaires avec cet énergumène. Omar est trop violent. Omar est un psychopathe. Omar est un taré. Traîner avec lui valorise parce que le desesperado est capable de toutes les folies. Le gosse de milliardaire se divertit, quand Omar n’a pas de limite. Omar est un funambule ambulant. Chacun sa bulle. Omar est un caïd, un enfant de la boule, sans filet ni ouverture. Omar manque de jugement. Pape est au-dessus. Pape fils de. Pape en France s’amuse et pagaille. Omar pagaye. L’un galère, l’autre dilapide. L’un gère, l’autre deale. Qui est le fumier ? Le petit exaspéré, qui fait rentrer les ronds, ou le grand enfumeur – qui fait sortir de ses gonds ?
Pour apaiser les tensions, Sadi s’interpose. Le tchatcheur et le découpeur. Officiellement, Sadi sort avec Pape, mais chacun sait que Sadi est une traînée qui couche avec le premier venu. Il suffit de la chauffer pour la brancher. En fait, elle a dû se taper tous les Sénégalais de la bande. Pape ferme les yeux. Pape se montre d’autant plus conciliant qu’il a plusieurs fers au feu. Sadi est une babe de passage. Une lady tricard. Pape laisse courir pour mieux cavaler. En ce moment, il lorgne sur une métisse centrafricaine, une pure beauté, une grasse, une crasse. Son visage rattrape sa taille, et puis, ce sont les Toubabs qui n’aiment pas les grosses et qui leur préfèrent les baguettes. Les Africains kiffent les formes. La Centrafricaine est reine des nuits.
Une 405. Pape est le mac, Omar le topo. Pape cerne les potos. Il manipule parce qu’il est habile. Il tisse sa toile. Il perce les voiles. Pour le moment, le Jules, c’est Omar. Omar jaloux du joujou. Omar fait l’indifférent. À qui veut l’entendre, elle est juste une partenaire. Qui tient qui ? Qui a le fond ? Le faux teint ? La Centrafricaine cherche un mari. La Centrafricaine souhaite des enfants. Omar bloqué à dix-huit ans. La Centrafricaine ne restera pas avec un viveur. Un cogneur. Un fumeur. Un dealer. Un sprinter.
La situation est claire : sans moyens, Omar n’a pas de prestige. Il est le petit dur, le garnement que les filles sortent pour se faire peur. Se donner de l’assurance : style. Pour la situation, elles passent à autre chose. Dans ce jeu de dupes, Pape est l’intermédiaire de l’intermède : il ne fera pas de vieux os. La métisse le tente. Il teste. Il n’aime personne. Il s’amuse, ment, domine. Des mioches, il en aura quand il rentrera au pays. Papa Pape polygame a eu une ribambelle de gosses – une litanie d’épouses. Un jeu d’enfant de marier la cousine de bonne famille.
C’est l’Afrique : riche, on collecte sans se baisser. Pas besoin de séduire, les familles marient. C’est un honneur de donner sa fille à l’homme riche. Pape compte reproduire le schéma. À une exception près : chacun son temps. Papa a eu treize femmes. Pape ne compte pas épouser. Il est contre. Le mariage prend du fric. Le mariage perd du froc. Le mariage est déposé. C’est bon pour les vieux et les traditionalistes. Pape n’est pas polygame. Pape est joueur. Pape n’est pas poli. Game over. Jamais Pape ne s’installera. Il enfantera aux États-Unis, le paradis des Africains qui ont des devises. L’Eden des capitalistes. L’Elysée des flambeurs. Pape est accroc aux Afros. Elles sont claires, elles ont de la coupe, elles ont de la classe. Elles sont entre la villageoise d’Afrique et le fard d’Occident. Pape ne se sent pas Africain. Il se sent du monde.
Pape tend la main à son meurtrier. Omar roule dans le moule. Il est cool, Pape. Omar allume un gros joint. Effet garanti : tout le monde est impressionné. On a assisté au combat du siècle, la rencontre des deux titans. Sensation. Certain qu’une des donzelles tombera pour le petit énervé, le nerveux doté de cœur. Ce soir, Omar récoltera les dividendes de sa brutalité. Les Sénégalais vont sortir dans la boîte afro d’Eonville et Omar se farcira une péronnelle. La violence rapporte : ses sœurs prétendent qu’il n’est pas séduisant, il sort des beautés. Beurettes, blondes, parfois métisses – jamais d’Africaines, que des instables. Plus tard, Omar ambitionne de marier une Blanche et de s’installer dans le Sud. Eonville, il en a ras la casquette. C’est pour la jeunesse, festoyer et batifoler, mais dans un coin de sa tête, Omar veut des enfants. Une vie stable.
Il a trop voyagé, trop bougé, trop bavé. Il est temps de se poser. Pause. Il serre la main de Pape. C’était du chiqué. Pape croira qu’il a manqué l’assassinat, il glorifiera ce fait d’armes, il jouera les valeureux. Jamais Omar n’a eu l’intention de lui fracasser le crâne. Il voulait faire peur. Pape n’a pas l’habitude des voyous. Il a eu trop peur. Maintenant, c’est lui le tueur. C’est sa conception de la justice. Quand il a un coup dans le nez, ce qui arrive les soirs, il raconte à qui veut l’entendre qu’il montera une bande de guérilleros en Mauritanie et qu’il terrorisera les Arabes. Il leur en veut à mort. Ils ont abattu son père, ils ont anéanti sa tranquillité.
C’est l’attroupement devant la boîte. On est énervé quand on sort. Là, c’est le grand énervement. Les meneurs palabrent avec les videurs, histoire de leur chauffer la tête. Le clou du spectacle : Omar la terreur. Il est tout seul. Ses amis se sont enfuis. Il était encore calme quelques minutes auparavant. Il sortait avec deux Sénégalais, Papis et le Grand Tapha. Soudain, l’incident. Les compatriotes n’ont pas compris : Omar s’est jeté sur un homme d’âge mûr et l’a roué de coups. L’homme n’a pas l’air commode. Une face de ferrailleur, une tête de magouilleur, il pourrait être armé. Omar n’a pas cogité. Il a cogné d’entrée.
Raison suffisante : sa sœur Kadi. Omar n’a qu’une sœur même père, même mère. Il en a bien deux autres, mais ce sont les filles de sa mère. Il les laisse bouger comme elles veulent. Avant son assassinat, le papa collectionnait les femmes. Omar a le souvenir d’un militaire, fort, dur, respecté. Les Arabes l’ont tué. Les racistes l’ont buté. Omar déteste les Maures. Omar maudit le monde. L’africanophilie, c’est pour la galerie. Ça fait bien, en France, de jouer sur l’air des lampions. Noir et fier. Sans blague. Farce : attrape.
Mauvais délire : Omar s’en est pris au chéri. Elle tourne mal, Kadi. Elle se fait niquer par les bibis. Des racailles de banlieue, des ratés, des bons à rien, des divorcés, des drogués, des paumés, des tordus… Ce soir, au lieu de repérer un mari, elle n’a rien trouvé de mieux que de se pointer avec son boy dans la boîte underground d’Eonville. Encore une tache, pire qu’un looser. Un divorcé qui cherche une boniche ou un coup à tirer. Omar les sent à plein nez. Quand il s’agit de défendre l’honneur de la famille, il est prêt à risquer sa vie. Il a un coup dans le nez, l’image de son père en tête, bingo ! Banco !
Omar a rossé, tout le monde veut le calmer. Omar a perdu son lot. Consolation. Dernière consultation. Il avait branché une veille connaissance, une blonde un peu forte, qui a compris que son pouvoir de séduction s’accorderait mieux avec les Noirs qu’avec les Français. Elle aime l’Afrique sans y avoir jamais mis les pieds : elle se sent emplie de reconnaissance pour ces types rejetés, méprisés, marginalisés, et qui persistent pourtant à lui accorder leurs faveurs d’un soir. Omar a zappé. La pauvre fille se trouvera bien une porte de sortie. Un énième port d’attache. Omar est en furie. En charpie ? Pire que ça. Direction l’hosto. Les compatriotes ont rappliqué et commencent à le seriner dans la langue du pays.
On s’affaire autour d’Omar. Il est par terre. Tellement énervé qu’on le sépare, qu’on l’empêche de taper, il a asséné un grand coup de pied contre un poteau. Le pylône n’a pas bougé. Omar est couvert. Le genou est ouvert. Le talon d’Achille, c’est la colère. Omar aperçoit dans la masse sa sœur. Cette traînée dans la nasse. À cause d’elle, il est en sang. À cause d’elle, il est à terre. Sa satanée manie de coucher avec le premier incapable ! D’un coup, il lui assène un poing sur la tête. Kadi s’effondre. Elle ne bouge plus. Elle est dans les vapes. Omar se sent mieux. Il est soulagé. Il s’est dépensé. Sa sœur a payé. Les compatriotes crient de plus belle. On désapprouve. Taper sa sœur, il se croit au village, le petit ? Tapha, le grand frère de la communauté, commence à monter le ton. Et puis, on se rend compte que ça ne sert à rien. Il faut emmener la famille à l’hosto. Famille de fous. Faille de tarés : une paumée, un dérangé. Des traumatismes en perspective. Pas étonnant que lui tape, et qu’elle baise. Deux violentés de l’Afrique répondent au viol identitaire par la violence adultère.
Maintenant qu’il la sent en lui, il se trouve inattaquable et invincible ! C’est sa potion magique, la colère. En bas de son bâtiment quatre étages, dans le studio où il vit, il croise sa voisine du dessus. Natacha. Elle est sympa, souriante, une petite jeune aux yeux verts, qui vit avec un Asiatique. Ils ont un marmot, ils veulent s’en sortir. Un couple de banlieusards. Omar a les crocs. Il a de quoi. Il croyait être casé avec une métisse sénégalaise. Il s’est rendu compte que la donzelle le trompait avec tous les dealers du coin. Résultat des courses : il s’est lancé dans le business. Avant, il magouillait, la save à la semaine, sans aller trop loin. Normal : il attendait l’arrivée d’un gosse – les bénéfices de la vie de famille.
La métisse s’appelle Hélène. Elle est belle, des traits fins, consciente de son pouvoir de séduction. Elle s’attache à tout ce qui est noir, violent et marginal. Elle kiffe les hommes qui ressemblent à son père, un raté qui passe ses journées à boire et à se battre en refaisant le monde avec des compatriotes tout aussi décalés que lui. Omar déprime : il a perdu sa vie en accordant sa confiance. Désormais, il ne croit plus personne. Il ne fait plus crédit. Il n’a plus d’âme mie. Que des potes, des connaissances et des associés. Il s’est lancé dans la came. Il ne vend pas chez lui et il ne croise jamais de toxicos (sauf les quelques potes à qui il arrive de sniffer en sortie). Il est Intermédiaire. Comme il connaît du monde dans le shit, il est passé vite fait à la vitesse supérieure.
Résultat : beaucoup de femmes, beaucoup d’argent, beaucoup de prestige. Les types sont de plus en plus craignos. Il possède trois voitures sans permis. Un petit pitbull. Il passe pour la teigne. Il se bat. La semaine dernière, sa réputation de voyou a pris du galon. Confirmation. Il était chez une meuf avec ses lieutenants, des jeunes qui collaborent et qui le prennent pour le big boss. Le Scarface black – le parrain noir de l’an deux mille. Omar est le héros des imbéciles, les immatures qui n’ont rien compris à la vie, les mythos pour qui vivre, c’est trafiquer. La vie, c’est des biftons dans la poche. Omar croule sous les liasses. Du moins, c’est ce qu’il laisse entendre. La vérité, c’est qu’il est submergé de dettes.
La nénette, une Guadeloupéenne, recevait des racailles de Paname. La métisse tient à sa réputation. Les Parisiens ont joué aux chauds. Ils ont mal parlé à Omar &Co. Omar n’a rien dit. Il est sorti. Il a sniffé un rail, sa nouvelle distraction. Il s’est énervé, son habituelle occupation. Il est remonté chez la tismé avec trois lieutenants. Ils ont retourné l’appartement à coups de battes. La go a porté plainte. Les Parigots étaient choqués. Jamais vu de pareils malades. Omar prendra une peine. Pas de larme. Depuis qu’il est dans la came, il a repéré le manège. Les flics tournent en bas. S’il ne se calme pas, Omar va monter – en zonzon.
Il fait ce qu’il veut. Veut-il ce qu’il fait ? Il se moque des conséquences. Si des flics l’interpellent en mission, il les insultera. Il se sent capable de leur tirer dessus. Qu’ils le choppent. De toute façon, sa famille est en France, sa sœur a des gosses, sa mère est remariée à Paris, mais lui rêve de Mauritanie – finir ses jours dans un village. La France, plein la casquette ! Au pire, il s’installera en Gambie, un pays roots, comme il l’appelle. Ou il émigrera vers le Sud, Bordeaux et sa région. Un chouette coin, où l’on peut refaire sa vie peinard. Il n’a pas abandonné son rêve de monter une famille et d’arrêter les dérives.
Pour l’instant, il divague grave. Avec son fusil de déménageur, il cavale. Pas le temps de discuter avec la voisine, il est électrique. Si les jeunes lui en veulent, c’est qu’il magouille. Ces bandes de petites frappes n’ont pas conscience des réalités. Ils sont tellement bêtes qu’ils servent des commanditaires. Pour les parrains, c’est signé : trois frères arabes sont des concurrents. Un de ces quatre, il retrouvera son studio en flammes. Il s’en fout. Pour l’instant, les jeunes le harcèlent ? Ils commencent par fumer en bas, puis ils montent, se sauvent, l’insultent, taguent, cognent à sa porte... La totale, quoi. La misère. Au départ, Omar a trouvé la parade : il a posté son pitt en vigie.
Les jeunes l’ont enchaîné : ils ont caillassé le chien. Ces bâtards ont remporté la première manche. Rira bien qui rira le dernier. Omar enragé attendait que la vengeance lui monte à la tête. Les fils de pute, il va les tirer comme des lapins. S’il en ramasse un, il lui casse la tête. Après, son choix est fait : il quittera Eonville. La grisaille, le brouillard – le froid. Vivement l’océan, le soleil et les sorties en marcel. Omar cavale, Omar galope, ils sont à deux cents mètres. Il connaît le quartier comme sa poche. Pleutres, une arme les terrorise. Alors un fusil à pompe ! Ils n’avaient pas prévu la riposte. Omar est certain de les retrouver. Vu son degré de ressentiment, il va les cuisiner salement. Ils vont prendre pour toutes les frustrations accumulées. Il les découperait bien, mais la prison l'angoisse. Soudain, il tombe sur qui ?
Hélène avance sur le trottoir. Deux mois sans la voir – à la bonne heure ! Il a beau lui en vouloir à mort, c’est plus fort que lui : quand il la voit, il ne résiste pas. Il craque. Il a fait son deuil des raclures, il a toujours envie d’elle. Elle lui sourit. Apparemment, elle n’a pas l’air consternée par le fusil. Fascinée ? Aveuglée ? Normal, elle aime les Noirs qui dealent et qui cognent. Elle est servie : son ex est en train de courser des jeunes avec un fusil de l’armée ! Un vrai de vrai, un dur, un molosse !
« Tu fais quoi ? »
Quand il la voit, il tremble. On peut l’attacher, le gifler, le menacer, lui prendre la vie : Omar n’a peur de rien. Dès qu’il se trouve en face d’elle, il perd ses moyens. Il est ému. C’est beau, les sentiments.
« Je fais des courses !
- Viens prendre le café !
- Je ne sais pas si j’ai le temps !
- Pas de tintouin : le jus est prêt ! »
Il a gardé une pincée de nostalgie inavouable de l’époque où il était en couple. Les morceaux ne se recolleront pas. À l’époque, il lui a tapé dessus, elle l’a trompé, il a manqué de la défenestrer, il a failli tuer son tourtereau. Quand ils se revoient, c’est ami ami. La paix. Omar essayera de coucher avec elle des fois qu’elle soit libre ou qu’elle n’accorde pas beaucoup de cas à son régulier du moment. Elle est restée très instable. Elle change de mec toutes les semaines. Parfois, ce sont des types de passage, quand elle sort. Elle a la bougeotte. Les boîtes, les verres, Hélène est mal. Omar a envie. Hélène est en vie. Omar a oublié : les jeunes, les crosses, les plombs. C’est qui la balle ?
Omar est en furie. Il arbore sa machette, il la lève de détresse. Deux filles essayent de le calmer. Omar de Mauritanie. Il raconte qu’il est Sénégalais. La vérité, c’est que son père est l’ancien chef d’Etat-major de Mauritanie. Par contre, Omar vise un Sénégalais : un grand gaillard qui répond au doux nom de Pape. Pape n’est pas seulement de Dakar. Il est le fils d’un des plus riches hommes d’affaires du pays. Un entrepreneur qui possède des millions, l’immobilier, le commerce ou les plantations.
Omar en veut à mort. Pape se comporte en enfant gâté ? Dès qu’il aspire, c’est comme si la chose lui était due. Ce capricieux de prestige attend qu’Omar lui accorde son appartement pour les vacances. Omar est fou de frénésie. Pas question de sous-louer son HLM alors que Pape lui a cramé la cuisine deux mois plus tôt. La fête, la fume, les femmes… Pape s’est endormi. Quand il s’est réveillé, ça braillait, le plafond en flammes, les travaux n’ont jamais été payés. Pape a promis, Pape a menti. Pape est un arnaqueur, un radin, un pagailleur, qui croit qu’il endort les gens avec sa gouaille. Pape se prend pour un dieu parce qu’il a du fric. Omar est un déclassé, un réfugié, un type qui ne plaisante pas. Pape lui a intimé d’arrêter de jouer au psychopathe.
Omar n’a pas apprécié. Il va montrer au richard de quel bois il se chauffe. On fume, on boit, on traîne, on sort, et au final, on fanfaronne ? Omar n’a pas réfléchi. Il pique des colères ahurissantes. Il défie. On se fie à sa petite taille, à sa maigreur, à son sourire. Pape a suivi l’exemple : il a pris Omar pour un petit. Omar s’est chargé de lui rappeler que la valeur ne dépend pas du poids. Ce n’est pas parce qu’on a des millions, qu’on dépasse le mètre quatre vingts ou qu’on joue les séducteurs qu’on tutoie. Omar n’aime pas qu’on le prenne de haut. Il remet les choses à leur place. C’est son caractère de justicier.
Il en a marre, Omar. Il est exténué. Trois jours qu’il ne dort pas, qu’il fume et qu’il boit. Il fait semblant d’aimer le ragga et autres musiques de boîtes pour énervés de la vie, mais il est resté l’enfant du village de Mauritanie. Omar n’est pas un rude, c’est un boy. Normal qu’il pète les plombs : comment un Africain de Mauritanie pourrait endurer longtemps la pire des vies, la vie déclassée, la vie en banlieue, la vie HLM, la vie de quartier ? La vie d’Arabes et Négros ? La vie déchue ? La vie entre prolétaires, fumeurs, smicards, Rmistes, marginaux, pauvres ? La vie d’asile ? La vie d’exil ? Faut pas s’étonner qu’Omar casse la tête : Pape est né avec une cuillère dans la bouche. Pape se prend pour le roi des ronds. Pape est un fainéant qui sait que son vice accouchera de biftons. De vertu ? Omar veut remettre les choses en place. Tous croient qu’ils sont cousins compatriotes – la même chose au fond.
Pape loue un appartement au centre-ville pour s’amuser. Il ne fait rien, il fume au lycée, il se fera renvoyer, il retournera au pays, il utilisera les fonds de son père, il lancera son affaire, il sera riche. Pendant ce temps, Omar galèrera. Omar est un juste qui n’en peut plus. Il lâche sa machette, il ne veut plus tuer Pape. Il veut lui montrer qui est qui. Pape est enthousiaste. Il est persuadé d’avoir manqué la mort de peu. Il se glorifie de l’histoire de la machette sur le coin de la tête, lui qui projette de lancer une firme de consultants en Afrique. Ses associés – des compatriotes. Pour l’instant, il fume la métropole, mais dès qu’il rentrera au bled, il changera de tête.
Omar, il le verra dans une autre vie. De moins en moins. Ils évoqueront le vieux temps, mais pas question de monter des affaires avec cet énergumène. Omar est trop violent. Omar est un psychopathe. Omar est un taré. Traîner avec lui valorise parce que le desesperado est capable de toutes les folies. Le gosse de milliardaire se divertit, quand Omar n’a pas de limite. Omar est un funambule ambulant. Chacun sa bulle. Omar est un caïd, un enfant de la boule, sans filet ni ouverture. Omar manque de jugement. Pape est au-dessus. Pape fils de. Pape en France s’amuse et pagaille. Omar pagaye. L’un galère, l’autre dilapide. L’un gère, l’autre deale. Qui est le fumier ? Le petit exaspéré, qui fait rentrer les ronds, ou le grand enfumeur – qui fait sortir de ses gonds ?
Pour apaiser les tensions, Sadi s’interpose. Le tchatcheur et le découpeur. Officiellement, Sadi sort avec Pape, mais chacun sait que Sadi est une traînée qui couche avec le premier venu. Il suffit de la chauffer pour la brancher. En fait, elle a dû se taper tous les Sénégalais de la bande. Pape ferme les yeux. Pape se montre d’autant plus conciliant qu’il a plusieurs fers au feu. Sadi est une babe de passage. Une lady tricard. Pape laisse courir pour mieux cavaler. En ce moment, il lorgne sur une métisse centrafricaine, une pure beauté, une grasse, une crasse. Son visage rattrape sa taille, et puis, ce sont les Toubabs qui n’aiment pas les grosses et qui leur préfèrent les baguettes. Les Africains kiffent les formes. La Centrafricaine est reine des nuits.
Une 405. Pape est le mac, Omar le topo. Pape cerne les potos. Il manipule parce qu’il est habile. Il tisse sa toile. Il perce les voiles. Pour le moment, le Jules, c’est Omar. Omar jaloux du joujou. Omar fait l’indifférent. À qui veut l’entendre, elle est juste une partenaire. Qui tient qui ? Qui a le fond ? Le faux teint ? La Centrafricaine cherche un mari. La Centrafricaine souhaite des enfants. Omar bloqué à dix-huit ans. La Centrafricaine ne restera pas avec un viveur. Un cogneur. Un fumeur. Un dealer. Un sprinter.
La situation est claire : sans moyens, Omar n’a pas de prestige. Il est le petit dur, le garnement que les filles sortent pour se faire peur. Se donner de l’assurance : style. Pour la situation, elles passent à autre chose. Dans ce jeu de dupes, Pape est l’intermédiaire de l’intermède : il ne fera pas de vieux os. La métisse le tente. Il teste. Il n’aime personne. Il s’amuse, ment, domine. Des mioches, il en aura quand il rentrera au pays. Papa Pape polygame a eu une ribambelle de gosses – une litanie d’épouses. Un jeu d’enfant de marier la cousine de bonne famille.
C’est l’Afrique : riche, on collecte sans se baisser. Pas besoin de séduire, les familles marient. C’est un honneur de donner sa fille à l’homme riche. Pape compte reproduire le schéma. À une exception près : chacun son temps. Papa a eu treize femmes. Pape ne compte pas épouser. Il est contre. Le mariage prend du fric. Le mariage perd du froc. Le mariage est déposé. C’est bon pour les vieux et les traditionalistes. Pape n’est pas polygame. Pape est joueur. Pape n’est pas poli. Game over. Jamais Pape ne s’installera. Il enfantera aux États-Unis, le paradis des Africains qui ont des devises. L’Eden des capitalistes. L’Elysée des flambeurs. Pape est accroc aux Afros. Elles sont claires, elles ont de la coupe, elles ont de la classe. Elles sont entre la villageoise d’Afrique et le fard d’Occident. Pape ne se sent pas Africain. Il se sent du monde.
Pape tend la main à son meurtrier. Omar roule dans le moule. Il est cool, Pape. Omar allume un gros joint. Effet garanti : tout le monde est impressionné. On a assisté au combat du siècle, la rencontre des deux titans. Sensation. Certain qu’une des donzelles tombera pour le petit énervé, le nerveux doté de cœur. Ce soir, Omar récoltera les dividendes de sa brutalité. Les Sénégalais vont sortir dans la boîte afro d’Eonville et Omar se farcira une péronnelle. La violence rapporte : ses sœurs prétendent qu’il n’est pas séduisant, il sort des beautés. Beurettes, blondes, parfois métisses – jamais d’Africaines, que des instables. Plus tard, Omar ambitionne de marier une Blanche et de s’installer dans le Sud. Eonville, il en a ras la casquette. C’est pour la jeunesse, festoyer et batifoler, mais dans un coin de sa tête, Omar veut des enfants. Une vie stable.
Il a trop voyagé, trop bougé, trop bavé. Il est temps de se poser. Pause. Il serre la main de Pape. C’était du chiqué. Pape croira qu’il a manqué l’assassinat, il glorifiera ce fait d’armes, il jouera les valeureux. Jamais Omar n’a eu l’intention de lui fracasser le crâne. Il voulait faire peur. Pape n’a pas l’habitude des voyous. Il a eu trop peur. Maintenant, c’est lui le tueur. C’est sa conception de la justice. Quand il a un coup dans le nez, ce qui arrive les soirs, il raconte à qui veut l’entendre qu’il montera une bande de guérilleros en Mauritanie et qu’il terrorisera les Arabes. Il leur en veut à mort. Ils ont abattu son père, ils ont anéanti sa tranquillité.
C’est l’attroupement devant la boîte. On est énervé quand on sort. Là, c’est le grand énervement. Les meneurs palabrent avec les videurs, histoire de leur chauffer la tête. Le clou du spectacle : Omar la terreur. Il est tout seul. Ses amis se sont enfuis. Il était encore calme quelques minutes auparavant. Il sortait avec deux Sénégalais, Papis et le Grand Tapha. Soudain, l’incident. Les compatriotes n’ont pas compris : Omar s’est jeté sur un homme d’âge mûr et l’a roué de coups. L’homme n’a pas l’air commode. Une face de ferrailleur, une tête de magouilleur, il pourrait être armé. Omar n’a pas cogité. Il a cogné d’entrée.
Raison suffisante : sa sœur Kadi. Omar n’a qu’une sœur même père, même mère. Il en a bien deux autres, mais ce sont les filles de sa mère. Il les laisse bouger comme elles veulent. Avant son assassinat, le papa collectionnait les femmes. Omar a le souvenir d’un militaire, fort, dur, respecté. Les Arabes l’ont tué. Les racistes l’ont buté. Omar déteste les Maures. Omar maudit le monde. L’africanophilie, c’est pour la galerie. Ça fait bien, en France, de jouer sur l’air des lampions. Noir et fier. Sans blague. Farce : attrape.
Mauvais délire : Omar s’en est pris au chéri. Elle tourne mal, Kadi. Elle se fait niquer par les bibis. Des racailles de banlieue, des ratés, des bons à rien, des divorcés, des drogués, des paumés, des tordus… Ce soir, au lieu de repérer un mari, elle n’a rien trouvé de mieux que de se pointer avec son boy dans la boîte underground d’Eonville. Encore une tache, pire qu’un looser. Un divorcé qui cherche une boniche ou un coup à tirer. Omar les sent à plein nez. Quand il s’agit de défendre l’honneur de la famille, il est prêt à risquer sa vie. Il a un coup dans le nez, l’image de son père en tête, bingo ! Banco !
Omar a rossé, tout le monde veut le calmer. Omar a perdu son lot. Consolation. Dernière consultation. Il avait branché une veille connaissance, une blonde un peu forte, qui a compris que son pouvoir de séduction s’accorderait mieux avec les Noirs qu’avec les Français. Elle aime l’Afrique sans y avoir jamais mis les pieds : elle se sent emplie de reconnaissance pour ces types rejetés, méprisés, marginalisés, et qui persistent pourtant à lui accorder leurs faveurs d’un soir. Omar a zappé. La pauvre fille se trouvera bien une porte de sortie. Un énième port d’attache. Omar est en furie. En charpie ? Pire que ça. Direction l’hosto. Les compatriotes ont rappliqué et commencent à le seriner dans la langue du pays.
On s’affaire autour d’Omar. Il est par terre. Tellement énervé qu’on le sépare, qu’on l’empêche de taper, il a asséné un grand coup de pied contre un poteau. Le pylône n’a pas bougé. Omar est couvert. Le genou est ouvert. Le talon d’Achille, c’est la colère. Omar aperçoit dans la masse sa sœur. Cette traînée dans la nasse. À cause d’elle, il est en sang. À cause d’elle, il est à terre. Sa satanée manie de coucher avec le premier incapable ! D’un coup, il lui assène un poing sur la tête. Kadi s’effondre. Elle ne bouge plus. Elle est dans les vapes. Omar se sent mieux. Il est soulagé. Il s’est dépensé. Sa sœur a payé. Les compatriotes crient de plus belle. On désapprouve. Taper sa sœur, il se croit au village, le petit ? Tapha, le grand frère de la communauté, commence à monter le ton. Et puis, on se rend compte que ça ne sert à rien. Il faut emmener la famille à l’hosto. Famille de fous. Faille de tarés : une paumée, un dérangé. Des traumatismes en perspective. Pas étonnant que lui tape, et qu’elle baise. Deux violentés de l’Afrique répondent au viol identitaire par la violence adultère.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire